"Vers Alizée" (Nouvelle) - par Karische

Publié le par Karische

Hello mes lovelies!

J'espère que vous allez bien?

Aujourd'hui est un grand jour pour moi. Après quelques semaines de maturation, d'hésitations, je me lance et publie ici ma première nouvelle.

Vous connaissez mon goût pour la rêverie, pour les histoires et les voyages immobiles. Vous le savez, depuis quelques temps j'écris. Et c'est cette histoire qui a jailli. Elle s'appelle "Vers Alizée". J'espère que ce récit vous plaira, j'avais envie de le partager avec vous.

Je vous propose de publier un chapitre aujourd"hui, et puis un second dans une semaine, et ainsi de suite...

Merci à mes relecteurs qui m'ont été d'une aide précieuse :)

 

Je vous laisse avec Alizée...

-Vers Alizée-

 

par Karische

 

Prologue

 

Alizée n’a jamais vu la mer mais elle a vu le vent. Celui qui claque les oreilles, vrille les tympans, décolle les semelles et rend fous les gens.

Alizée ne les aime pas trop les gens. Parce qu’ils ne ressemblent à rien, qu’ils font toujours semblant.

 

 

La mer est très, très loin. Elle est un mirage. On se doute qu’elle existe mais on ne fait que le penser. De toute façon Alizée ne peut pas y aller. Elle est bloquée ici. Dans ces montagnes escarpées. On ne peut de toute façon se sauver. C’est un peu illusoire d’y croire. La fuite, Alizée n’y croit plus trop. Quand ils sont tous partis, ses tripes lui avaient dit non. Bon, alors à moins d’accepter, de se vider en permanence, elle avait cédé à ses entrailles. Elle était restée là. 

 

Je me lève pour me dégourdir.

« Vous avez terminé ? lui dis-je,

-Non pas vraiment, me répond-elle, il reste des choses à raconter. Mais on n’est pas obligée de tout expliquer non plus. Cette manie qu’ils ont tous de vouloir tout expliquer tout le temps. Il l’avait laissée c’est tout. Il lui manquait énormément. Elle en rêvait chaque nuit. Elle voyait sa silhouette se détacher sur le chemin, grande, et puis plus rien. Certains matins elle oublie encore qu’il est parti. Vivre seule n’est pas un atout. C’est une décision, pas personnelle du tout. Une décision de la vie, ils sont tous partis, la laissant seule ici, dans cette maison, son îlot des Alizés. En fait c’est Vanille, le chien noir comme une gousse, qui prend toute la place, il n’est pas un homme mais c’est déjà bien. Il y avait âme qui vive au moins.

 

Une femme bloquée dans la montagne, que dîtes-vous de ça ?

 

Chapitre 1

 

Alizée LAHMERT,

Alizée la mer,

Alizée l’amère.

 

Tous ces mots défilaient dans ma tête au fur et à mesure que je fendais l’épaisse touffe de buissons qui encadraient le chemin menant à sa maison.

Je ne connaissais pas cette femme que j’avais interviewée hier pour la première fois et que je revenais voir aujourd’hui, mais il me semblait déjà saisir quelques-unes de ses composantes en regardant son royaume.

Bon Dieu que cette femme était poétique !

 

Lorsque Serge m’avait demandé de faire ce déplacement dans la montagne pour aller interviewer cette femme, ancienne ballerine russe, retirée de tout et tous, j’avais d’abord refusé parce que je hais la montagne, elle me donne la nausée et que de manière générale je n’aime pas les retirés.

 

C’était une femme qui du temps de sa jeunesse était très connue dans son pays puis plus tard en France où elle s’était exilée. Cela faisait deux décennies qu’on n’avait plus entendu parler d’elle. Serge voulait pour le prochain numéro du magazine, un dossier sur les « ballets russes » et souhaitait qu’Alizée y figure en bonne place.

 

« Véro, tu fais chier. Tu ne veux écrire que sur ce qui te passionne, tu as l’esprit étriqué. Quand je t’ai connue tu avais le mord aux dents, tu partais sac à dos et on ne te voyait plus pendant des jours, parce que tu étais tombée amoureuse des gens que tu étais partie sonder, amoureuse de ton papier, amoureuse de ce que tu étais en train de vivre avec eux. Je veux retrouver ça avec ce reportage. Aime-la cette femme..., bichonne-là, caresse-là… Tu la prends, tu la retournes, tu l’extirpes, tu la mâches, tu fais sortir la moelle, mais bon sang tu chies l’écriture, mais je veux que tu reviennes avec ce papier! La crotte aux semelles, mais tu reviens avec ce papier !!!

Droit de réponse zéro, il était parti droit comme un I, en claquant la porte, pardi.

 

 

 

J’entrais donc chez Alizée par un chemin escarpé, très feuillu. Un long chemin. Pas de grille. On accédait directement à la maison d’Alizée. J’espérais accéder à son âme avec autant de facilité.

 

Sa maison, c’était un enchantement. Derrière les épaisses branches de haies se dressait la plus merveilleuse des isbas. Elle avait quelque chose d’une église. On ne sait pas trop. Toute de rondins, le toit aux tuiles si rondes qu’il semblait fait de bonbons. Alizée au pays des merveilleuses…

Mais quel adorable tableau cette petite demeure rondelette et colorée. Une grosse maison goûteuse comme un gâteau, moelleuse et vivante. Riche et colorée, aux douceurs de cannelle, romarin et orangée, aux amertumes de coriandre au pralin mélangés. Frétillante et douce.

La porte en demi-cercle semblait dater du Moyen-Age et sonnait comme une invite. Même son grincement était mignon. Une vie de mignonnerie. Voilà où j’avais mis les pieds. Mon cœur commençait déjà à se serrer et pourtant je ne la connaissais presque pas.

 

 

Derrière la maison, assez curieusement, on apercevait de la roche et de l’eau qui ruisselait. On aurait presque dit une cascade ! Une isba-chapelle devant une cascade, voilà qui était assez incongru. L’eau suintait tout le long des rochers. Le tout formait un tableau très vert, des bois ou plutôt une clairière. Mon ventre commençait à sonner l’aventure, et je présumais quelques lignes bien senties une fois rentrée à Paris...

 

 

Je montai les quelques marches qui menaient au porche de sa maison. Alizée m’accueillit sur le pas de sa porte, visiblement beaucoup trop couverte pour la saison.

« J’aime pas quand il fait chaud comme ça… me lança-t-elle sans autre forme de politesse, ça vous prend de biais, vous êtes habillée, fichus de laine, jupe côtelée. On se sent incongrue tout à coup. J’ai dû me changer dès que je suis arrivée ». Elle était rouge-sang et suait à grosses gouttes.

 

Elle s’installe dans un des fauteuils du petit salon de jardin qui ornait son joli petit porche fleuri et me fit signe de m’asseoir aussi.

-Voulez-vous que l’on reprenne là où nous en étions hier en nous quittant ? lui fais-je.

 

Réponse zéro, elle attaque tout de suite dans le vif de son sujet:

-Imaginer que je n’avais plus son estime c’était encore pire que ne plus avoir son amour. Savoir que je ne faisais plus partie de sa vie, c’était insoutenable. J’en ai souvent vomi. Vanille venait me lécher lorsque je faisais ça, que je vomissais sur les rochers, jupe et châle relevés, pliée. Je crevais de lui. Et ce cochon de chien venait lécher ce que je vomissais de la vie. Je n’avais déjà plus rien et il venait me prendre mes tripes.

 

-Votre amour vous a laissée ?

Je n’ose pas la brusquer.

Elle tourne la tête, Alizée, elle est gênée.

-Il est parti ; ça on me l’a assez dit. Non mais je sais, vous savez ? C’est pas la peine de froncer ! (des sourcils).

Je commençais tout juste à m’habituer à son phrasé si particulier. J’essayais de ne pas gâcher son propos par des interruptions intempestives, même si je crevais d’envie d’en arriver au vif du sujet : sa carrière de danseuse.

 

-S’il revenait là, mon moujik, maintenant, tout de suite, je le reprendrais. Sans rien lui demander. En totale grâce, gratitude, hébétude. Avoir trop souffert m’a enlevé toute forme de fierté. Je me fous de tout et de tous, seul compte mon Amour qui est parti et mes petits qui se sont enfuis. Avec lui ?

Quand j’ai compris que personne ne reviendrait, que j’étais bloquée ici dans les montagnes, et qu’il faudrait meubler les intermèdes, les interstices, c’est un trou béant qui est arrivé. Un vide qui aspire vous voyez ?

 

-Oui, oui, je vois bien…

 

-Un vide à la démesure de mon amour perdu. Ce qui est le plus dur à vivre je pense, c’est la trivialité du monde qui m’entoure, à rebours du drame qui se noue dans mon cœur et mon cerveau. Cela m’a étonnée de voir que la vie dans la rue suivait son cours alors que tant de gens vivent des choses atroces dans l’intimité de leurs tripes. On devrait pouvoir prendre un micro et hurler. Vous imaginez le gens hurlant ce qui leur arrive ? Ce serait plus sain pourtant… Là je vomis sur les pierres, je tombe de plus en plus … Je tombe une fois par mois environ . Ça change, pas toujours sur le même côté : genou plié ; hanche avancée ; pied déplacé. Et pas de kiné ici dans les montagnes ».

 

Je la regardais...

Elle était aux yeux de l’occidental, un peu hommasse, du moins selon des critères français. Elle était belle d’une manière différente de ses congénères, dont je faisais partie. En la voyant la première fois, on pouvait la trouver solide, un peu d’un seul bloc, « plain » comme disent les anglo-saxons.

En fait elle était loin d’être simple ni banale, et derrière chacun de ses traits se cachait une nouveauté, un mystère à découvrir, à chaque rencontre. Je devinais que les hommes qui la rencontraient ne savaient pas bien que penser d’elle. Ils étaient plutôt interloqués. Beauté caduque, sauvagerie assumée, monolithe féminin sans faux-semblant, ils se doutaient bien que celle-ci se foutait bien de ce qu’ils pensaient d’elle.

 

Un seul à ses yeux avait compté : le moujik aux bottes de soie. Lui la voyait belle, enfoulardée des mille parements qu’elle revêtait dès le saut du lit. Un seul de ses regards posé sur elle valait pépite, aucun autre n’était utile pour qu’elle se sentit à jamais madone.

 

-Vos enfants sont partis ?

 

-…

Elle semble ne plus trouver les mots.

 

-J’ai tout gardé d’eux : leurs colles, leurs cahiers. Leurs habits aussi. Ils sont partis. Vanille ne les a pas remplacés. Ce noiraud va les renifler, dans la cave, dans le grenier. Il pleure des fois et moi je pleure aussi. Je pleure dans ses pattes, oui car il n’a pas de bras.

 

-Pourquoi êtes-vous restée? Ici, je veux dire ?

 

-Rester… c’est un acte héroïque parfois. Tout le monde loue le départ, les voyages… mais jamais ceux qui restent, qui font de la résistance. Ce sont ceux-là que j’admire. Ceux qui restent l’été dans les immeubles noyés de soleil, écrasés de chaleur. Ceux qui n’ont ni balcon ni terrasse. Qui improvisent l’espoir dans une bassine de bébé. Qui baignent leurs enfants dedans et qui en sont contents. Qui organisent des pique-niques dans leur cité, sur le terrain de boules, en écoutant de la musique. Et qui rentrent chez eux le soir ivres d’avoir vécu le temps d’une soirée un truc fort, un truc gai, comme s’ils étaient partis très loin. Ils étaient partis loin dans leur tête et ça pour moi c’est le vrai voyage, vous voyez ?

 

Ceux-là tout le monde les a oubliés. Mais ils sont là, ils sont restés. C’est un acte de bravoure. Je veux être brave, je veux être digne. Je veux rester là dans ces montagnes enfermées. Je veux voir ce que je peux continuer. Je veux suivre le fil de cette histoire, sans lui, sans eux, ne rien terminer. Il n’y a pas de fin puisque je suis encore là. Il y a Vanille. Il y a la maison. J’en suis la gardienne. De leurs affaires, de leurs joies passées. Au moins si un jour ils veulent revenir, je serai là. Vieille et lasse, mais là.

 

-Vous êtes juive ?

 

-Oui.

 

-Et Russe aussi ?

 

-Et Russe aussi.

 

Là c’est moi qui ne trouve plus les mots. Au loin un oiseau émet un drôle de bruit, j’ai du mal à revenir à la réalité.

 

-Un problème mademoiselle ?

 

-Non, pas de problème. Vous me décontenancez Alizée. C’est la deuxième fois que je viens vous voir et vous êtes insondable. Je n’obtiens de vous qu’une poésie sourde, un frémissement, mais qui êtes-vous Alizée? Vous ne vous donnez pas facilement !

 

-Mais c’est que l’Être est insondable ma chère ! dit-elle en se levant, dans une envolée de châle, un de ses pans venant gifler ma joue.

Mon œil a été touché, il commence à pleurer.

 

-Qui peut se targuer de connaître quelqu’un vraiment ? Poursuit-elle. Je suis contente que vous ayez vu de vos yeux ce que je sens dans mes entrailles… La magie de la vie, sa beauté et sa douloureuse lumière… »

 

J’avais les larmes aux yeux lorsque je la quittais. J’en avais un peu marre de ce torrent d’émotions ressenti rien qu’à fréquenter ce curieux et profond personnage. Elle me faisait vibrer, c’était étonnant. Je crois que j’étais en train de tomber amoureuse.

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                                                                            To be continued...

                                                                       COPYRIGHT Karische, septembre 2016

La suite la semaine prochaine!

 

Bisous mes lovelies!

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  • Le droit d'auteur français est le droit des créateurs. Le principe de la protection du droit d'auteur est posé par l'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle (CPI) qui dispose que "l'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous".
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Vous pouvez retrouver l'intégralité de cette fiche sur le site du Ministère de la Culture à l'adresse suivante: www.culture.gouv.fr/culture/infos-pratiques/droits/protection.htm.

 

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Publié dans MES MOMENTS FORTS

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C
Et beh ma cocotte....! La vache merde alors ! <br /> Tu as une bien jolie plume, je t'invite, que dis-je, je t'encourage à ne pas t'arrêter en si bon chemin.... <br /> Bravo bravo, j'aimerai avoir cette facilité d'écriture
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K
Merci beaucoup Cécile, ça me fait très très plaisir.... Votre avis compte beaucoup pour moi. Merci de me soutenir dans cette nouvelle direction. Je t'embrasse bien fort
M
Une autre corde à votre arc .Vous avez pris la plume cette fois ci .Nous allons attendre la suite avec impatience .Un grand bravo !!!!
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K
Merci pour ces encouragements Mamypatch!!! Ça me fait plaisir ! Gros bisous
K
Coucou ma karischette, nous voilà plongées dans le mystère.......bon, on attendra la suite sagement ! Merci et bravo, c'est très très bien ! Bisous ma douce :))
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K
Coucou ma Kahouette! Merci pour ton avis positif! Je suis contente de t'avoir prise dans mes filets! La suite très vite! Je t'embrasse bien fort:)
A
Ça y est le suspense est installé. Merci. Bisous
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K
Merci my love:)