Vers Alizée (Nouvelle)- Chapitres 2 et 3- par Karische

Publié le par Karische

Hello mes lovelies!

J'espère que vous allez bien?

Comme promis, aujourd'hui je vous livre les chapitres 2 et 3 de "Vers Alizée". J'espère que la lecture vous plaira. Merci de vos gentils retours de la semaine dernière!

Bonne lecture:)

 

Vers Alizée- par Karische

 

Chapitre 2

 

J’avais un peu mauvaise conscience ce jour-là lorsque j’allais retrouver cet homme qui avait quitté Alizée voilà quelques années.

 

Elle n’avait jamais su où il était parti, et pourtant il suffisait d’ouvrir l’annuaire pour trouver son nom et son numéro de téléphone. Il ne voulait pas se cacher. Il voulait peut-être même qu’on le retrouve…

Ils vivaient à quelques kilomètres l’un de l’autre et Alizée ne le savait même pas. Je pense qu’elle ne voulait pas le savoir. Lorsqu’il était parti du domicile conjugal c’était un renoncement, il avait renoncé à l’aimer. Il s’était enfui et voilà. Le pire, c’est que j’étais sûre qu’elle l’attendait! Et qu’elle imaginait qu’il arriverait de très très loin pour l’embrasser et l’enlever. Ah… L’Âme des Russes… Romantiques et flamboyants. Fébriles de désirs fous, infatigables vivants.

Alizée était très romantique.

 

La maison du moujik était vieille, usée. Basse. Les volets touchaient presque le sol. Je n’osai ni sonner ni frapper. Dans un souffle, la gorge serrée, mon cœur s’emballant comme à l’avance pour un autre cœur que je ne connaissais pas, je criai :

 

-Monsieur Lahmert ?

 

En guise de réponse, un choc, une rencontre. Il était là.

Deux mètres enrubannés de coton épais, ceinturé à la taille, caleçon de lin et chaussé comme de guêtres. Une puissance agricole, une douleur. L’homme est cathédrale. Il était sa taille, mais il était beaucoup plus que ça. Il était immense. Il aurait pu être petit, cela aurait été pareil.

 

J’étais comme anesthésiée. J’avais un trou dans le cœur rien qu’à voir ce type, rien que de penser à ce que cela devait être d’aimer un type pareil et comme on devait souffrir de ne plus en être aimée. Je tombai amoureuse une seconde fois en trois jours. D’un couple en plus. Serge n’allait pas être content.

Enfin, un ex-couple, mais plus je le voyais, s’avancer vers moi, prononçant des mots que je n’entendais pas, plus je me disais qu’ils étaient scellés, un couple à vie-un couple à mort.

Je n’ai pas pu lui parler ce jour-là, j’ai fui, bouleversée de cette rencontre. Bon Dieu, qu’il était poétique lui aussi !

 

 

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Cette nuit-là je rêvais.

Dans une steppe, un homme. Il dansait ou plutôt paradait. Dans un mouvement de pivot, encadré par deux femmes qui le soutenaient par les épaules.

Son parement était un vaste, gigantesque poncho, doré, scintillant. Cette belle mécanique ! C’était sacré. Mi-chef indien, mi-Dieu païen, il avançait en s’appuyant sur les deux femmes sur lesquelles retombaient les pans de son habit. Ils tournaient ensemble. La rotation avait pour centre le poncho.

 

 

 

 

Le lendemain matin, j’appelai Serge pour le tenir au courant de l’avancement de mon reportage.

 

« Mais tu te crois dans un putain de film ou quoi ?

 

-Tu ne peux pas comprendre, Serge, ces deux-là sont des légendes… Ils se sont construit toute une histoire autour d’eux, c’est fascinant et pénétrant.

 

-Merde, Véro, t’en fais trop là… Je t’envoie faire un reportage sur une ex-ballerine et tu me sers des histoires de moujiks à la sauce steppe mongole ! Écoute, arrête-toi là, rentre et on verra ce qu’on peut faire avec ce que tu as déjà.

 

-Je ne peux pas rentrer. Je n’ai pas terminé. Ils n’ont pas terminé de me raconter leur histoire !

Il raccroche en même temps que moi, je crois que chacun a voulu raccrocher au nez de l’autre sans y parvenir. Malgré tout, on n’arrivait jamais à se fâcher vraiment avec Serge. Collés comme de la glu, binôme à vie. C’était plus fort que nous.

 

 

Chapitre 3

 

Je retournai vers Alizée le lendemain, passablement étourdie de ce voyage poétique que me faisaient vivre ces deux-là. De la tournure étrange que prenait ce reportage.

 

Du thé, des fleurs, des laines. Et du soin. C’est ce qui me frappait ici, et qui m’attirait aussi comme un aimant: tout ici témoignait de beaucoup de soin, son petit jardin, son intérieur. Tout faisait preuve d’une scrupuleuse volonté de vivre, de vivre quand-même.

 

Elle me fit entrer dans sa cuisine biscornue qui donnait directement sur le porche d’entrée. Je sentais une odeur que je ne connaissais pas.

 

Sur la gauche, une cuisinière à bois et une cheminée assez rudimentaires. A côté de la cheminée, une petite table rectangulaire avec une vieille toile cirée aux fleurs roses fanées et des épluchures. Elle faisait du bortsch. Voilà ce que je sentais. L’odeur de crème, de betterave et de bœuf mêlés me souleva un peu le cœur, avant de me le capturer pour toujours. J’ai depuis bien essayé de retrouver cet arôme en triturant la recette, jamais je n’ai réussi à recréer le bortsch d’Alizée.

Tout sentait délicieusement bon… le parfum de l’oignon, la chaleur douce et diffuse, les images s’imprégnaient dans ma rétine, tout respirait le bonheur tranquille.

Elle avait élevé son « économie ménagère »au rang de science, elle pratiquait le quotidien si bien.

Un vieux meuble orthodoxe qui devait provenir d’une église, peint en vert clair était plein de vaisselle. Au milieu du mur en face de moi, une ouverture en forme d’ogive menait au salon. Un rideau de perles en bois très seventies en gardait l’entrée, comme un cerbère.

 

A droite, une autre table, des tabourets et des chats. Certains dessus, certains dessous, ils étaient assez nombreux, peut-être sept. Et puis un grand meuble contre le mur, sorte de confiturier, remplis de conserves variées. Voilà une femme qui savait s’occuper : ses animaux, son jardin, sa maison, ses conserves… De quoi remplir une vie, même toute seule.

 

Le tout était assez sombre et théâtral, je levai les yeux au plafond et j’aperçus les voûtes d’ogive qui ornaient le « plafond » : on aurait vraiment dit une ancienne chapelle.

 

La table à repasser dépliée qui siégeait dans la cuisine, la pile de linge repassé qui trônait sur « la table au chat », tout était si trivial et en même temps si sacré. Alizée exécutait toutes ces tâches répétitives avec l’énergie des premières fois.

 

Tandis que je l’entendais parler à ses chats dans un charabia franco-russe uniquement compris d’eux, mes yeux glissèrent sur la vieille toile cirée aux épluchures, attirés par un morceau de papier blanc chiffonné. Elle était partie dans son salon, me laissant plantée là un peu mal à l’aise. Je me hâtai pour lire le petit mot :

 

« Prenons rendez-vous…

Si nos corps se sont éloignés,

Nos âmes, elles, n’ont jamais cessé de se tourner autour,

À rebours ».

 

Papillons dans le ventre. J’aurais bien aimé qu’on m’écrive ça. Alizée avait de la chance.

 

Elle revint, et j’allais essayer encore une fois de comprendre ce qu’il s’était passé dans la vie de cette femme.

 

« Alizée, pourquoi êtes-vous seule ici, dans ces montagnes, loin de Paris, vous qui avez connu une brillante carrière ?

 

Elle respire, souffle.

 

-Pour aller où ? Où voulez-vous que j’aille ? Ma peine, je l’ai dans mon cœur et mon cœur, je l’ai toujours avec moi. Il ne sert à rien de fuir. Au contraire.

 

Vous savez au début, ce qui m’a étonnée, c’est de continuer à manger. Continuer à respirer. J’avais l’impression de crever, mais je continuais à dormir, à me lever, à manger. La vie ne voulait pas me quitter. J’ai décidé de l’écouter. J’ai continué à cultiver mon jardin, à tricoter, à nourrir mes chats. Je n’ai pas parlé pendant un an. La voix ne sortait pas. Je notais mes desiderata sur des bouts de papier aux commerçants quand j’allais faire des courses. Pour le reste, comme j’ai arrêté de travailler à cause de ma maladie, ne plus parler n’a pas été un problème.

 

Je me mis à pleurer. J’étais épuisée par cette femme. Elle était trop intense, trop Russe, trop tout ! Elle m’envenimait, m’obsédait. Je la voyais, j’avais envie de l’imiter dans chacun de ses gestes, j’aimais son monde, tout ce qu’elle avait construit autour d’elle, tel un rempart contre les autres, contre la douleur, mais pas contre la vie.

 

Elle reprend :

 

-C’est lui qui me maintient ici, c’est pour lui que j’ai renoncé à un autre exil. Je l’attends.

 

(Je me gardais bien de lui dire qu’il était là, à côté d’elle, là tout près, dans le village voisin).

 

-Tu vois, même absent, il m’a ancrée dans cet endroit. Son aura est si forte, tout ici est lui, et c’est ça qui me retient. Il m’a donné une identité tu comprends ? J’étais éparpillée, et il m’a rassemblée.

 

 

 

Le soir en m’endormant dans mon petit hôtel de montagne, je revis Alizée dans son petit jardin mignon. Son potager bien aligné, ses pieds de rhubarbe, ses salades. Je la voyais si courbée, à demi-cassée et en même temps si fière d’avoir réussi à continuer. Continuer sa vie, construire sur l’absence, remplir le vide avec du vrai : des légumes, des conserves, des tricots. C’était gai et à la fois terriblement triste.

Je la voyais dans son salon, aux fenêtres habillées de rideaux de voile blanc. La vieille télé, la peau de chèvre à terre. Les vieux catalogues de tricot. Le vieux samovar dans un coin. Un cocon rassurant, avec tellement, tellement d’amour là-dedans !

Je la voyais assise près de son vieux guéridon, en train de tricoter au long court des pulls d’un autre âge. Les chats, ces saligauds, ne lui laissaient pas beaucoup d’espace, et la pauvre devait régulièrement en repousser quelques-uns pour avoir un tant soit peu de latitude pour bouger les bras avec les aiguilles. Eux plus le noir, le Vanille, devenaient plus que mal élevés, il allait falloir sévir. Certaines de ses pelotes avaient été carrément squattées par la bande féline, qui s’en étaient fait une couche particulièrement moelleuse et colorée. Mais Alizée n’avait plus la force de lutter, ces petits êtres étaient devenus son seul entourage.

Pour le tricot, elle lui avait dit qu’elle avait quelques modèles qu’elle maîtrisait bien et qu’elle s’en contentait. A la montagne, il fallait savoir être humble et se contenter de ce que l’on avait. Et puis cela ne faisait pas grande différence avec son enfance soviétique, où l’on prenait soin de tout, même du papier toilette.

 

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                                                                                                               Karische

                                                                                                      To be continued.....

 

Je vous laisse pour aujourd'hui mes lovelies,  à la semaine prochaine!

La protection par le droit d'auteur (extraits de la fiche technique de la Direction du développement des médias sur le respect du droit de la propriété littéraire et artistique sur internet)

 

  • Le droit d'auteur français est le droit des créateurs. Le principe de la protection du droit d'auteur est posé par l'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle (CPI) qui dispose que "l'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous".
  • La violation des droits d'auteurs est constitutive du délit de contrefaçon puni d'une peine de 300 000 euros d'amende et de 3 ans d'emprisonnement (CPI, art. L-335-2 s.)
  • Le code de la propriété intellectuelle entend par contrefaçon tous les actes d'utilisation non autorisée de l'œuvre.
  • La loi incrimine au titre de délit de contrefaçon:"toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d'une œuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur, tels qu'ils sont définis et réglementés par la loi" (CPI, art. L.335-3)

Vous pouvez retrouver l'intégralité de cette fiche sur le site du Ministère de la Culture à l'adresse suivante: www.culture.gouv.fr/culture/infos-pratiques/droits/protection.htm.

 

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Publié dans MES MOMENTS FORTS

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C
Je suis suspendue à tes touches....
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K
Merci Cécile... La suite très vite.... Gros bisous et merci:)