Ma vie de maman (tu vas avoir 8 ans)
Hello my lovelies!
Est ce parce que ma soeur va accoucher dans quelques semaines? Est ce parce que nous avons reparlé ensemble au téléphone hier de mon accouchement il y a 8 ans ?
Depuis quelques jours je pense... A ma vie, à ce qu'elle est, à l'orée de la quarantaine (je vais bientôt avoir 38 ans), de ce que j'aimerais faire (écrire un livre, deux livres, chanter, lancer une collection...), de ce que je me fixe de faire (cultiver mon jardin, le "petits pas"), de ce que je fais déjà (travailler, prendre soin de ma famille, élever ma fille, entretenir ma maison, crocheter, tricoter).
Je pense à ma vie de maman... maman-boulot, maman-gémeaux, maman-bargeot. La folle du quartier, aux pulls colorés, à la grille déglinguée, qui ne tond pas sa pelouse. Celle qui a la haie qui déborde, le coeur qui déborde, le souffle court. Qui essaie d'essayer, qui essaie d'y arriver. De t'aimer comme il faut, de t'accorder le temps qu'il faut pour que tu grandisses bien, que tu t'épanouisses bien. Sans que tu aies trop de valises, mes valises, mes sacs trop remplis, à porter. J'essaie que tu n'aies que des attachés case. Parce que c'est plus chic, plus anglais, et plus légers, moins lourd à porter.
Huit ans bientôt que tu as investi ma vie dans ses moindres recoins.
Je ne peux pas repenser à la première fois où je t'ai vue, avec ta petite tête si fragile et déjà si belle, sans avoir les larmes aux yeux...
Huit ans que je me lève toutes les nuits pour vérifier tes draps, ta respiration, ton cou, le chauffage, la veilleuse à éteindre. Les sirops, les gouttes, les mouchorios. La brosse, les élastiques. Marcher pieds nus sur un légo.
Huit ans que je rouspète pour que tu ranges ta chambre (que tu ne ranges jamais ou si rarement).
Il y a 8 ans je suis rentrée dans un tourbillon. Le tourbillon de la maternité. Et là tout s'est bousculé. Comme dans un sac trop rempli.Tout s'est retrouvé pêle-mêle, mes envies, tes besoins, nos désirs. Il a fallu tout bien faire cohabiter, et cela n'a pas été facile. L'amour a toujours été gagnant, a été bien plus fort que toutes les larmes de découragement.
Huit ans que je cours après le temps qui me fuit. Après l'énergie aussi. Si je pouvais vivre la nuit, aussi. Jardiner la nuit, faire mon ménage la nuit. Si j'avais cent bras, mille bras. Comme shiva.
Aujourd'hui mon sac est trop rempli, et à la mesure de mes envies, qui se décuplent, et mon énergie qui s'amoindrit, je ne sais s'il faut que je me presse ou que je ralentisse. Au tourbillon de la vie, avec toi qui grandis, s'est ajouté un autre tourbillon, un autre flot (flow?), celui de l'écriture. Une urgence me presse en ce moment, écrire, écrire... D'abord le livre du Caravansérail, j'en caresse l'idée depuis quelques mois, il est déjà pas mal avancé... La démarche n'est pas facile, mais elle est nécessaire. J'écris aussi parallèlement un livre-cahier pour mon père, qui est le fruit de recherches généalogiques sur mon arrière-grand-père écrivain, metteur en scène, réalisateur et poète Russe, et mon arrière grand-mère pianiste virtuose polonaise, une histoire qui s'avère fascinante (et un peu destabilisante aussi... ).
Ceci est pour moi un prélude à toute autre forme d'écriture. Savoir d'où l'on vient... C'est nécessaire pour savoir où l'on va. J'accouche de ce livre. Comme j'ai accouché de ma fille il y a 8 ans. Comme j'accoucherai du livre sur mon Caravansérail. J'aurai encore d'autres enfants: des chats, des livres, des châles. Des idées. Ridée. Diminuée. Grandie.
J'écris aussi autre chose, de la poésie, des contes pour enfants. Ce qui me taraude, c'est le moyen de diffuser tout ça. C'est terrible d'avoir la matière première qui afflue et de manquer de temps et de moyens pour le concrétiser ... Maison d'Edition? Edition à compte d'auteur? Auto-édition? Je ne sais comment m'y prendre.
J'ai peur d'oublier...J'ai mille carnets, cahiers. De repas, de citations, d'émotions. Tant d'espace à gribouiller et si peu de temps à y consacrer. Difficile de tout arrêter quand une image, une scène arrive dans ma tête. Je me vois mal stopper dans la rue pour sortir mon carnet! Ces "impressions-soleil levant" arrivent sans crier gare dans la journée et demandent à être incarnées, concrétisées! Si je ne le fais pas, elles le prennent mal et se vengent, les bougresses, en me plongeant dans un spleen vicieux. J'ai longtemps cherché le "media" au travers duquel exprimer ce que j'avais dans le coeur. Je me suis servie longtemps du crochet et du tricot (et je continue encore!) pour imprimer un peu de mon paysage intérieur, mais certains tableaux ne s'emmêlent pas dans mes mailles et il me faut alors les mots pour exprimer mes senteurs de bruyère, de thym et de grandes plaines. Foulards de Pétroucka, chevauchées brumeuses et humides, feux de bois et pentes escarpées.
J'ai le sentiment d'avoir fait un grand pas aujourd'hui en écrivant tout cela.
Ma vie de maman, c'est tout ça en même temps. Des lignes qui se touchent, qui se croisent. Des destins qui se mêlent, s'emmêlent: le mien, celui de ma fille, celui de mon mari. Que vais-je laisser à ma fille? Je voudrais tant lui laisser de l'écrit, des mots qui lui diront qui était sa mère, car connaît-on vraiment ses parents? Je voudrais qu'elle puisse se dire "Ma mère, faisait ce qu'elle pouvait. Voici comment elle se débrouillait. Elle m'aimait. "
Je vous laisse avec ces mots, mes larmes de maman, qui pleure parce que son bébé va bientôt avoir...
8 ans.